Cette victoire face à Nicolas Sarkozy marque la fin d’une ère. Elle témoigne d’un ras-le-bol colossal à l’égard de la façon de gouverner du président sortant. Plus qu’un désaccord idéologique avec la réforme sociale ou la néo-libéralisation du pays (démantèlement du droit du travail, des services publics, précarisation des travailleurs, etc…), elle dénonce l’opposition d’une majorité d’électeurs vis-à-vis de l’extrême droitisation du discours de la majorité et des excès comportementaux de Sarkozy (le Fouquet’s, “casse-toi pov’con”, surmédiatisation, régime hyper-présidentiel, etc…).
Non, le 6 mai n’est pas la victoire de la France de Gauche. Ce n’est pas le retour de la Gauche du progrès social et encore moins une victoire du Socialisme. Après une longue hésitation, j’ai décidé sans aucun plaisir de voter pour François Hollande. Je ne nie pas ma satisfaction presque euphorique à assister à la défaite du candidat UMP et d’observer cette droite réactionnaire aux propos nauséabonds libérer l’espace médiatico-politique et nos institutions. Cependant, je ne me fais aucune illusion. Être de Gauche ça se démontre par les actes et par la réforme sociale. Voici les six arguments qui me font relativiser cette victoire :
1. Les socialistes seront terrifiés à l’idée d’assurer le progrès social et de dépenser plus. Dans un souci de “bonne gestion” ils n’augmenteront en aucun cas les dépenses publiques. Il n’y aura pas de relance par les salaires. Le mot d’ordre restera l’austérité. Il n’y a que très peu de clivages idéologiques au niveau économique entre le PS et l’UMP comme en témoigne le lamentable débat entre Hollande et Sarkozy. Nous n’avons pas assisté à l’affrontement de deux modèles de société, mais à une bataille de chiffres, de bilans. La finalité pour les deux candidats est de construire l’Europe libérale et de rétablir l’équilibre budgétaire au prix d’une dégradation évidente des conditions de vie en France. Bien sûr des différences existent, elles concernent essentiellement les mœurs et les affaires de traitement de l’être humain, de l’immigration, etc… Ces différences ne sont pas anecdotiques. Elles expliquent largement mon vote au second tour.
2. Dans un souci de “bonne gestion” ils ne reviendront pas non plus sur les lois adoptées depuis 5 ans par la majorité UMP bien que ces lois portent toutes en leur sein les effets catastrophiques de l’individualisme et du néolibéralisme. S’ils étaient réellement en désaccord avec la politique menée par Sarkozy, ils devraient abroger ces lois injustes qui ont précarisé tous les domaines de notre société : loi HPST, réforme des retraites, LRU, etc… [Le PS entend rétablir la retraite à 60 ans uniquement pour les carrières longues. Il approuve ainsi tout le sens de la loi sur les retraites réforme principale du quinquennat de Sarkozy pour tous les autres : prolongation de l’âge de la retraite et augmentation de la durée de cotisation.]
3. Ce sont les socialistes qui ont construit l’Europe telle qu’elle est depuis les années 1980, en signant l’acte unique, le traité de Maastricht, Amsterdam, etc… Ils ont mis en place cette Europe néolibérale et portent une lourde responsabilité. Partout en Europe les socialistes ont imposé des plans de rigueur toujours plus injustes, toujours plus foudroyants pour les populations : gel des salaires, des retraites, fermetures de services publics. Geórgios Papandréou, président de l’Internationale Socialiste est un de ces chefs d’États qui a sacrifié le social au profit de la Finance et des enjeux économiques Européens. La liste des socialistes qui ont trahi la cause même du collectivisme et de l’égalitarisme est longue : Mitterrand, Jospin, Schröder, Blair, Zapatero, etc… Je n’aborderai ici que succinctement le cas de Dominique Strauss-Khan, libéral qui s’assume, à qui la présidence française était promise, qui a accepté de prendre la tête du Fond Monétaire International, haut combien coupable des souffrances du tiers-monde (ou quart-monde) (cf : http://michaelcanovas.wordpress.com/2012/04/17/il-faut-annul...).
4. Par ailleurs, comme je l’ai précisé dans un de mes articles précédents, rien n’est possible si l’on continue à respecter les traités européens et les critères du pacte de stabilité. Les États ont perdu tous les leviers de leur souveraineté en confiant à l’Europe les politiques monétaires et budgétaires. Les traités condamnent les États à l’austérité en leur imposant un euro fort et stable qui profite aujourd’hui presque essentiellement aux Allemands. Il n’y a pas de relance possible au sein des structures actuelles. Seule la rupture peut dégager la marge suffisante pour lutter contre la misère de masse. L’austérité entraîne l’austérité. Elle paralyse l’activité d’un pays et l’enferme dans le cercle vicieux de la dette. Hollande sera parfaitement docile face à la Finance et aux marchés.
5. Rappelons enfin que les socialistes sont coupables des plus grandes privatisations, des plus grandes libéralisations de ces trente dernières années. Oui, entre 1997 et 2002 de véritables réformes sociales ont pu être faites (35h, CMU, emplois-jeunes), mais le programme du PS en 2012 ne s’inscrit plus dans cette logique grandes réformes sociales. C’est tout le sens de notre scission… l’essence même du Front de Gauche. Comment accepter le mépris de F. Hollande à l’égard de la sensibilité communiste et anticapitaliste. Jean-Paul Huchon, président PS de la région Ile de France, avait d’ailleurs affirmé que Jean-Luc Mélenchon était un candidat « plus grave que Le Pen » sans la moindre réprimande de son parti. La mise en avant de socialistes tels que Manuel Valls (néolibéral assumé) démontre clairement l’encrage néolibéral désormais assumé du PS. Les socialistes sont partout. Ils sont présents dans toutes les institutions et partagent la responsabilité de la situation économique et sociale du pays. Fervent défenseur du OUI au référendum de 2005, François Hollande s’inscrit pleinement dans ce socialisme d’accompagnement du système qui a renoncé au mouvement social.
6. Enfin, la victoire des socialistes est une fois de plus l’occasion pour le modèle capitaliste néolibéral de se pérenniser grâce à des corrections marginales des inégalités et de ses excès les plus insupportables. Faut-il vraiment faire survivre le système en le corrigeant marginalement ? Notre réponse est non ! Nous souhaitons replacer les enjeux humains et environnementaux au cœur de toutes les politiques publiques : place à l’insurrection citoyenne !
Michael CANOVAS
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