Dans son Marx écologiste (éditions Amsterdam), John Bellamy Foster soutien une thèse simple : Marx ne fait pas qu’évoquer l’écologie, il propose des concepts essentiels pour la penser. Certes, les rapports du marxisme à l’écologie recèlent
bien des incompréhensions, notamment par l’amalgame facile entre la pensée de Marx et l’expérience stalinienne et son industrialisation à marche forcée.
Et pourtant, parce que Marx était un matérialiste, il ne pouvait pas penser la place de l’homme comme séparée de la nature et il précise dans les Manuscrits de 1844 qu’elle «est son corps avec lequel il doit maintenir un processus constant». Son matérialisme dialectique lui interdit d’avoir une conception figée de la nature, comme le notait déjà Alfred Schmidt en 1962 dans Marx et le concept de nature. Héritier en cela d’Épicure - à qui il consacra son doctorat - Marx entrevoit que la nature n’est pas une idole qu’il faudrait vénérer. Le travail humain est tout autant ce qui transforme la nature que le résultat d’une nature qui évolue par l’intermédiaire d’une de ses composantes, l’homme.
Voilà qui donne des clés pour dépasser les contradictions apparentes entre la technique et la nature. Les outils par exemple devant être conçus comme «le corps inorganique de l’homme», son prolongement.Le retour à la pensée marxiste permet de comprendre que la résolution des crises internes au système capitaliste ne concerne pas que les rapports sociaux.
Le livre de Foster nous présente un Marx attentif à la destruction des sols par le capitalisme. De son étude précise de l’agriculture intensive il déduit la nécessité d’une perspective "métabolique" entre l’homme et la nature. Marx propose dans Le Capital un développement durable qui prenne en compte les «générations futures».
Voilà l’enjeu de la conception marxiste de l’écologie : il s’agit d’œuvrer à l’écologie politique qui, au rebours des fondateurs de la deep ecology, n’oppose pas l’homme et la nature, et ne fait pas de cette dernière une valeur transcendante qui s’imposerait aux hommes.
L’écologie ne relève pas d’une morale ou d’une valeur, mais repose sur les conditions réelles d’existence des hommes au sein d’une nature dont ils sont issus. Cette écologie est anticapitaliste par ce que ce dernier porte en lui la destruction des rapports sociaux et des conditions d’existence. Elle appelle à une régulation par l’intervention de l’homme : une planification écologique.
Benoit Schneckenburger
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