A l'initiative d'une large coalition d’ONG vient de paraître un rapport embarrassant sur le commerce entre l’Union européenne et les colonies israéliennes. Il pointe du doigt les contradictions de la politique de l’UE envers l'Autorité palestinienne.
Malgré sa condamnation sans relâche de la politique de colonisation que mène Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-est, l’Union européenne importe quinze fois plus de marchandises des colonies israéliennes que des Territoires palestiniens. Telle est la conclusion d’un rapport qui vient d’être publié par un large collectif d’ONG, dont le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)-Terre Solidaire et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
Intitulé La Paix au rabais : comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes, ce rapport fait un certain bruit dans les milieux diplomatiques, car il attaque frontalement les ambiguïtés et contradictions de la politique européenne envers les Palestiniens. Il est préfacé par l’ancien Commissaire de l’UE aux Relations extérieures, Hans van den Brock, qui appelle les gouvernements européens à mettre enfin leurs actes au diapason de leurs discours.
Chute de la production agricole palestinienne
Selon les estimations que le gouvernement israélien a lui-même communiqué à la Banque mondiale, le montant des importations annuelles de l’UE en provenance des colonies israéliennes s’élève à quelque 230 millions d’euros. Le rapport des ONG met ce chiffre en regard des 15 millions d’euros par an d’importations provenant des Territoires palestiniens. Et les auteurs d’ajouter : « Etant donné que plus de quatre millions de Palestiniens et plus de 500 000 colons vivent dans les territoires occupés, cela signifie que l’UE importe plus de cent fois plus par colon que par Palestinien. »
Comment s’explique cet écart ? Il s’explique essentiellement par les restrictions dont les agriculteurs palestiniens sont victimes, tant en terme d’accès aux ressources (terre, eau, engrais) que d’obstacles à la circulation (barrages routiers, postes de contrôle). Ces entraves, qui se sont intensifiées au cours des dernières années, ont eu des répercussions sérieuses sur la production agricole des Palestiniens comme sur leurs exportations qui ont chuté d’une manière vertigineuse, passant de 50 % du PIB palestinien dans les années 1980, à 15 % aujourd’hui.
Des problèmes d’étiquetage
L’Union européenne importe des colonies des dattes, des agrumes, des herbes, ainsi que des produits manufacturés dont des cosmétiques, des machines à gazéifier, des plastiques, des produits textiles et des jouets. Les ONG attirent l’attention sur un problème d’étiquetage qui fausse les règles du jeu : les produits en provenance des colonies sont vendus dans les magasins en Europe sous l’étiquette « Fabriqué en Israël », induisant en erreur les consommateurs et les privant de la possibilité de choisir en connaissance de cause, comme le stipule la législation européenne.
« L’Europe maintient que les colonies sont illégales au regard du droit international. Or, elle continue de commercer avec elles. Les consommateurs achètent aujourd’hui des produits étiquetés comme provenant d’Israël, alors qu’en réalité, ils proviennent de colonies basées en Cisjordanie. Ils contribuent ainsi, malgré eux, aux injustices commises à l’encontre des Palestiniens », s’indigne Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre solidaire. « Les marchandises provenant des colonies de Cisjordanie sont produites grâce aux démolitions de maisons, aux confiscations de terres et à l’occupation militaire », rappelle pour sa part la présidente de la FIDH Souhayr Belhassen.
Comment sortir de cette situation embarrassante ? La coalition des ONG à l’origine du rapport La Paix au rabais préconise l’adoption des mesures concrètes, dont l’étiquetage correct de tous les produits issus des colonies à l’attention des consommateurs, comme l’ont déjà fait le Royaume-Uni et le Danemark. Ces mesures a minima seront-elles suffisantes pour restaurer la crédibilité de l’UE auprès des Palestiniens qui, eux, réclament l’interdiction d’importation de produits issus des colonies ?
Emmanuelle Bennani
Chargée de mission Maghreb et Moyen-Orient à la CCFD Nous demandons que le consommateur ait la possibilité de choisir, ou même que l'UE aille plus loin, et que la France aille plus loin, en interdisant l'entrée sur le territoire européen de produits issus des colonies, parce qu'elles sont illégales. Il ne s'agit pas d'un boycott d'Israël, il s'agit d'une nécessité de respecter le droit à la justice |
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